LE ROTARY AGIT POUR GUÉRIR UN MONDE DIVISÉ

« Guérir un monde divisé » est le thème de cette conférence qui se déroule les 21 et 22 février dans la principale ville de Turquie. Cette rencontre met en lumière les contributions du Rotary en faveur de l’entente des peuples et explore les moyens de réduire la polarisation dans les communautés, le rôle de la technologie dans la paix et le développement, la façon dont la paix et les questions environnementales s'entrecroisent, et les possibilités de créer une paix durable. 

Un 7^e Centre du Rotary pour la paix

Le nouveau Centre du Rotary pour la paix Otto et Fran Walter est inauguré à l'université de Bahçesehir, la veille de la conférence par la présidente du Rotary International. Il porte le nom d’un couple de mécènes américains dont leur fondation a offert 15,5 millions de dollars pour créer ce Centre du Rotary. Lancé en février 2024, il accueille sa première promotion de boursiers en ce début d’année 2025. Les boursiers sont des personnes dont la profession ou le futur métier est en lien avec la résolution de conflits (journalistes, responsables d’ONG ou d’institutions internationales etc.) ; les programmes leur apportent les ressources et les savoir-faire nécessaires pour travailler en faveur de la paix. Le programme de ce Centre abordera des problématiques spécifiques au Proche-Orient et à l'Afrique du Nord : litiges fonciers, changement climatique, insécurité alimentaire, intégration des réfugiés et développement économique local. Les boursiers assisteront également à des séminaires et des ateliers proposés par l'Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche. Les boursiers mettront ensuite en œuvre une initiative de changement social de neuf mois dans la région et présenteront leur travail lors d'un séminaire de synthèse. 

Au-delà de cet exemple de préparation à la résolution de conflits, des témoignages d’implications concrètes de Rotariens en faveur de la paix sont exposés au cours de cette conférence présidentielle.

Les Rotariens établissent des ponts à Chypre

Un atelier illustre particulièrement les rapprochements que peuvent entreprendre les Rotariens dans des zones conflictuelles : « intégrer la diplomatie non officielle et l’engagement de la société civile dans la construction de la paix à Chypre ». Au cours de cet atelier, les intervenants chypriotes grecs et turcs expliquent que des actions rotariennes communes aux deux parties de l’île sont régulièrement organisées. Les 19 Rotary clubs de Chypre ont travaillé ensemble en faveur de toutes les populations lors de la pandémie de coronavirus ; ils poursuivent actuellement des projets en commun, notamment pour la préservation du patrimoine historique. « Les interventions citoyennes ont beaucoup limité les tensions existant à Chypre » déclare Maria Hadjipavlou, universitaire du Nord de l’île, pendant que Christina Covotsou, membre du Rotary club Limassol Berengaria Cosmopolitan affirme que « les Rotariens sont influents à l’intérieur comme à l’extérieur de Chypre pour rapprocher les communautés. » La présence de plusieurs générations de chypriotes, de toutes origines, à cet atelier a rehaussé l’intérêt des discussions.

Un Rotarien survivant de la tragédie du Rwanda

L’un des moments les plus poignants de ces deux journées est le témoignage d'un survivant du génocide au Rwanda en 1994. Freddy Mutanguha avait 18 ans lorsque ses parents, ses quatre sœurs et d’autres membres de sa famille ont été massacrés. Depuis, il consacre sa vie à la prévention de telles atrocités et à la construction d'un monde plus tolérant. Des années après le génocide, il est allé rencontrer en prison le chef de ceux qui ont assassiné sa famille : « c’était un voisin, il faut avoir la mémoire mais pardonner, sinon on poursuit un cycle infernal ». Actuellement membre du Rotary club Kigali Mont Jali, Freddy Mutanguha est le directeur du Mémorial du génocide de Kigali. La mission du Mémorial est entre autres d’enseigner à toutes les écoles du pays les causes qui ont provoqué le génocide, et que la solution est le pardon. Les différentes communautés du Rwanda bénéficient de nos jours d’une réconciliation soutenue par l’accès aux soins gratuits et à l’éducation de toute la population. Les Rotariens de ce pays ont agi dans cette voie.

Les technologies renforcent et nuisent à la paix

Les intervenants débattent de la manière dont les nouvelles technologies peuvent favoriser la paix tout en nourrissant des conflits. L’Intelligence artificielle fournit des instruments qui analysent les menaces imperceptibles de conflits telles que diverses déclarations, prises de position ou échanges sur des réseaux sociaux. L’IA peut suggérer des solutions pour anticiper, voire endiguer des conflits dans une société.

De nos jours, l'information circule facilement et vite, ce qui permet de diffuser des idées et de favoriser des échanges. Cependant, la désinformation que peut apporter l’utilisation de l’Intelligence artificielle apparaît comme une menace contre la paix. Sheldon Himelfarb, cinéaste primé et fondateur du PeaceTech Lab, souligne qu’il y a actuellement 110 conflits dans le monde, beaucoup sont ignorés par les médias. Il estime que la désinformation représente une menace comparable à celles des guerres, des pandémies et du changement climatique. Il apporte une note positive en déclarant que « chaque jour, de plus en plus de personnes travaillent sur cette nouvelle menace, en concevant des outils pour la vérification des faits, l'étiquetage des contenus, l'éducation aux médias, l'Intelligence artificielle pour la construction de la paix. »

L’environnement, en lien avec des conflits

Les questions environnementales sont parfois la cause de conflits, en particulier pour la possession d’eau potable. Nada El Agizy, présidente du Rotary e-club of Egy-International et directrice Développement durable et coopération internationale à la Ligue arabe, souligne l’impact du changement climatique au Proche-Orient ; « il constitue l'un des défis les plus importants auxquels la région des États arabes ait jamais été confrontée. La région est considérée comme l'un des principaux points chauds du monde en matière de changement climatique et elle est très vulnérable aux effets négatifs du réchauffement de la planète. »

Elle déclare qu’il ne peut y avoir de développement économique sans paix et vice versa, et que l’on contribue à la paix par la défense de l’environnement.

Yana Abu Taleb, directrice d'EcoPeace Middle East - Jordanie, estime elle-aussi que l’on ne peut obtenir une paix durable dans la région si l'on n’agit pas davantage contre le changement climatique. Son organisation réunit des défenseurs de l’environnement de Jordanie, de Palestine et d'Israël afin de promouvoir le développement durable et de faire avancer les efforts de paix dans la région. Elle réalise notamment des projets d’eau potable dont bénéficient des populations en Israël, en Palestine et en Jordanie.

Forger des partenariats

Dans les conclusions apportées, Stephanie Urchick encourage les clubs à agir en partenariat avec des collectivités locales, des institutions internationales, des universités, des ONG et associations.  L’un des exemples de partenariat cités est celui établi avec l’Institute pour l’économie et la paix (IEP) qui offre aux Rotariens les ressources et les outils dont ils ont besoin pour devenir des artisans de la paix efficaces.

Les très nombreuses actions et programmes réalisés par les Rotariens à travers le monde, en faveur de l’éducation, l’eau potable, la nutrition, la santé, les échanges internationaux de jeunes concourent à une meilleure entente entre les communautés. La paix se construit à tous les niveaux, du plan local à l’échelle mondiale, et le Rotary participe à cette volonté. L’un des exemples d’intervention rotarienne qui a le plus marqué l’assistance est celle de Ravindran, ancien président du Rotary International ; alors que son pays – le Sri Lanka – était en proie à une guerre civile, et qu’il comptait encore des cas de polio, il réussit à convaincre le chef des insurgés à suspendre les combats pendant plusieurs jours afin que les équipes de vaccinateurs puissent effectuer leur travail. « Nous ne faisons pas la guerre aux enfants » avait alors déclaré le dirigeant de la rébellion armée, réputé pour son intransigeance. Le Sri Lanka devint le premier pays d’Asie du Sud libéré de la polio. La magie du Rotary avait agi.

TEXTE DE CHRISTOPHE COURJON