UNE ENTREPRISE SAUVÉE DES EAUX
Vendredi 2 octobre 2020, Adelaïde est propriétaire et exploitante d’écuries situées dans la vallée de la Vésubie (Alpes-Maritimes). C’est son seul bien, elle y a tout investi. Ce jour-là les éléments se déchaînent, la Vésubie en crue envahit le domaine. Adelaïde parvient à sauver sa famille et ses chevaux, mais tout est emporté, il ne reste rien. L’intervention des Rotariens et du district 1730 fait renaître l’entreprise moins de deux ans après la catastrophe.
Les écuries s’épanouissent sur la propriété familiale, en bord de rivière, dans une oasis de verdure. C’est un endroit idyllique, pour les humains comme pour les chevaux.
Monitrice indépendante d’équitation et de dressage, Adelaïde vit pleinement sa passion et créé en 2017, à l’âge de 23 ans, les Écuries de la Cinarca. Elle y investit toute son énergie et ses économies. L’activité s’articule autour des chevaux de sport (race Hanovre), élevage (sélection génétique, suivi gestation et soin au poulain), valorisation (dressage et éducation), pensionnat et soins. Après deux ans d’efforts, les écuries commencent à dégager un résultat bénéficiaire.
Le naufrage du 2 octobre 2020
Adelaïde apprend la disparition tragique de ses voisins ainsi que la destruction totale de sa propriété. Le dénuement est total, mais un grand élan de solidarité anime la vallée. Finalement les chevaux sont recueillis par des bénévoles; Adelaïde et ses parents iront vivre chez des amis.
Les biens matériels sont perdus, la famille est en état de choc, mais l’énergie reprend le dessus et c’est avec un esprit combatif que la décision est prise de recréer les Écuries de la Cinarca :« Mon objectif est de reconstruire quelque chose de similaire, voire de mieux. J'ai la vie devant moi, je ne veux pas me laisser abattre. »
Décembre 2020, les assurances remboursent la maison, ce qui est loin de résoudre les problèmes, mais cela permet de rechercher un terrain pour les écuries. Les contraintes sont nombreuses : au moins 4 ha, de l’eau, une maison d’habitation, un accès facile.
Après avoir étudié 200 offres, un terrain est acquis à Broves-en-Seillans, dans le Var.
En parallèle, de longues démarches sont menées auprès des différents interlocuteurs : assurances, mairie, métropole, État, chambre d’agriculture...et aussi auprès du Rotary.
Le district 1730 intervient
C’est par un message sur son site - le 1er octobre 2021 - que le district 1730 est avisé de la situation.
À travers son compte « SOS » le district 1730 a déjà perçu près de 200 000 € en provenance d’autres districts, de Rotary clubs, mais aussi d’association, de communes ou de particuliers.
Mais un an après la catastrophe, la quasi-totalité de la somme a déjà été dépensée ou engagée.
Néanmoins, une visite des lieux est organisée, et le constat est le suivant : le terrain est extrêmement ingrat, il s’agit d’une garrigue vallonnée, au sol rocheux, laissé à l’abandon depuis plus de 30 ans. Une évaluation des travaux s’élève à 300 000 €. Il ressort auprès des Rotariens que le permis de construire est irréaliste si l’on tient compte des dénivelés, et il n’y a pas d’études techniques permettant d’exécuter correctement les travaux. Un accompagnement administratif, logistique et comptable est nécessaire.
La première action sera d’éclaircir le dossier.
Le réseau professionnel rotarien sollicité
Un premier géomètre - Bernard Labruere - réalise gratuitement un levé partiel afin d’étayer le permis de construire. En parallèle, les Rotariens demandent à l’architecte de compléter ses plans avec la carrière et le rond longe.
Fin 2021, le dossier est soutenu avec ferveur par le gouverneur Philippe Raffin et instruit par Christian Bodino, son trésorier en charge des catastrophes naturelles.
Structurer, optimiser, mobiliser
Telle est la triple mission des Rotariens. Pour obtenir des plans d’exécution, il faut l’assistance de géomètres, architectes, projeteurs, ingénieurs structure, métreurs, tous intervenants du bâtiment et des travaux publics. De même, un expert-comptable élabore un business plan pour le financement du projet. Afin de minorer les investissements, il est recherché des entrepreneurs locaux, connaissant le terroir, ainsi que des négociateurs.
Pour mobiliser les énergies et informer au-delà du cercle rotarien, il est recouru à des communicants pour alimenter les messages à travers les réseaux sociaux.
La machine démarre
En janvier 2022, l’action est présentée aux clubs du district 1730. Adelaïde relate son vécu, le public est bouleversé. Des liens se tissent avec le Rotary club Hauts de Siagne, proche des futures écuries. L’un de ses membres et adjoint du gouverneur - Yves Boyer – est un indéfectible défenseur de cette cause et l’un des moteurs de la concrétisation du projet.
Les relations transversales entre clubs s’instaurent. De janvier à juin 2022, les actions bénévoles suivantes sont menées :
- - Audit financier, préconisations juridiques et comptables (Daniel Monnier, RC Hauts de Siagne)
- - Levé topographique complet et implantation des limites (Jean-Michel Amayenc, RC Hauts de Siagne)
- - Constats d’huissiers et négociations (Sophie Denimal, RC Hauts de Siagne)
- - Réalisation des plans d’exécution et de structure (Laurent Tetaud, RC Menton)
- - Réunion avec les collectivités locales pour le permis de construire et l’accès (Jean-Michel Amayenc, Yves Boyer et Christian Bodino)
- - Coordination des moyens, sélection des entreprises, gestion des finances (Christian Bodino)
- - Mise à disposition de matériel de chantier par l’entrepreneur Fred Leyssieux qui déclare: « pour cette opération : le matériel que vous voulez, quand vous voulez, autant que vous voulez ».
- - Intervention grâce à Ludovic Hubler (RC Beaulieu) de l’association TWAM, qui met 86 personnes au service des écuries pendant une journée, pour l’émondage et l’épierrage.
- - Soutien permanent de l’action par le gouverneur André Pichaud et son successeur Dinh Hoan Tran.
Alors qu’une livraison pour la fin 2022 semble possible, deux ombres apparaissent au tableau : des problèmes administratifs concernent le permis de construire (qui sera obtenu le 9 décembre) et le budget n’est pas bouclé.
La refonte du projet, son optimisation, les travaux offerts par l’ensemble des intervenants, ainsi que l’énergie déployée par Adelaïde font qu’une somme de 60 à 80 000 € permettrait de réaliser le projet en le dotant de la carrière, du rond de longe et des routes d’accès.
Malgré nos efforts, nous ne possédons que 30 000 €. Pour sa part, à travers une subvention de district de la Fondation, le Rotary club Menton a financé l’intégralité de la route d’accès au rond de longe. Mais la foi rotarienne soulève des montagnes…
Un tour de force
Après avoir mobilisé l’ensemble des relations dans le monde du terrassement et des travaux publics, les Rotariens contactent Éric Galgani gérant de son entreprise. Son devis se chiffre à 60 000 € TTC, alors que les fonds réunis ne dépassent pas 30 000 €. L’entrepreneur accepte, pour le Rotary, de limiter à 30 000 € sa prestation.
Les travaux débutent en mars et s’achèvent en juin 2023. Cette action démontre l’immense solidarité qui existe entre les Rotariens et leurs partenaires. Elle montre qu’une chaîne de solidarité peut se mettre en place pour aider au développement économique et soutenir une entreprise en difficulté.
Au-delà de l’important montant financier investi dans cette opération, l’impact économique est à mettre en avant ainsi que l’importance du réseau professionnel au sein du Rotary.
Grâce à la mobilisation, une entreprise s’est relevée, des emplois ont été créés , des liens d’amitiés se sont noués, le Rotary s’est fait connaître.
Adelaïde raconte : « des inconnus nous ont aidés comme si nous étions leur famille. Cela fait un joli équilibre entre la violence que nous avons vécue et la beauté que nous avons découverte ».
TEXTE DE CHRISTIAN BODINO
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